L'Usage du vide

Effectuant un stage proposé par une parente au sein du comité de rédaction d'une chaîne d'informations en continu, le jeune Johnny Snyfet apprend peu à peu à se rendre indispensable à l'équipe : objet soumis d'humiliations diverses, petite main au service du café de ces messieurs-dames, soutien technique sur les reportages in situ, toujours volontaire pour proposer des idées neuves, il navigue entre jeunes loups aux appétits voraces, journalistes de la vieille garde peu scrupuleux, présentatrices stars, spécialistes de tout et son contraire, personnalités politiques et quidams interrogés au détour d'une rue.

Après avoir révélé une affaire de détournement de fonds, sans réellement s'inquiéter des sources, toute la petite équipe va contribuer à mettre le pays à feu et à sang, organisant le scandale, attisant la grogne sociale, courant après le sensationnel, manipulant l'opinion publique à grand renfort de sondages, soufflant sur les braises de la discorde... sans bien comprendre qu'ils sont eux-mêmes victimes d'une manipulation de plus grande ampleur.

Une farce noire et satirique, pour neuf acteurs ou plus.

Un extrait

Benoît : Le mouvement des Insurgés est apolitique.

Laurence : Un parti politique apolitique, mais monsieur, vous allez faire croire ça à qui ?

Benoît : Ce n’est pas un parti c’est un mouv…

Laurence : La vérité c’est que vous êtes un socialiste comme tous les autres, mais que vous en avez honte, parce que le socialisme a déçu. Les incompétents déçoivent, c’est fatal.

Jean-Pierre : Les insurgés, grand Dieu, pourquoi pas les indignés ?

Chantal : C’est déjà pris. C’est pas déjà pris ?

Benoît : J’aimerais…

Laurence : Mais ayez le courage d’être socialiste, monsieur ! Assumez !

Benoît : Je…

Laurence : Je ! Je je ! On n’entend que vous ! Voilà le socialisme : des grandes gueules sans-dents et sans-couilles !

Benoît : La France qui est dans la rue actuellement…

Jean-Pierre : La France qui traîne dans la rue c’est la France du chômage, monsieur Lèche-Tampon. Ces chômeurs, ils n’ont que ça à faire… descendre dans la rue et revendiquer des trucs que personne ne comprend. Tout le monde sait très bien que c’est flemmasse et compagnie, ces gens-là. Veulent pas se lever le matin, alors ça fait la fête toute la nuit.

Nathalie : Pas tous en même temps.

Chantal : Je vis Place de la République, monsieur. Il y a des gens qui font pipi dans ma cage.

Nathalie : Chantal, s’il vous plaît.

Chantal : Dans ma cage d’escalier, parfaitement.  C’est scandaleux, ce qu’il se passe Place de la Ré…

Benoît : Nous avons une excellente raison d’occup…

Jean-Pierre : Des feignasses ! La voilà la raison. Des feignasses et des fumeurs de chichon !

Benoît : Depuis la révélation d…

Laurence : Mais regardez-le. Les « insurgés… » Franchement, Nathalie, la semaine prochaine on a droit à quoi, des terroristes écolos qui caguent de l’uranium ? 

Benoît : Ça leur permettra peut-être de se faire entendre !

Chantal, subitement terrifiée : Je suis sûre que vous êtes islamophile.

Benoît : Quoi ?

Jean-Pierre : Ils le sont tous, pourquoi se voiler la face ? Gauchistes, islamistes, même djellaba ! Rentrez au bled, monsieur !

Chantal : Vous êtes un islamophile, c’est ça ?

Benoît : Mais je…

Chantal, au comble de l'horreur : Voyez, j’en étais sûre !

L'édition