Figures prostrées

Roman satirique sur les milieux artistiques provinciaux, l’action de Figures prostrées se déroule dans une ville ressemblant fort à Aix-en-Provence, au mitan des années 1990. Constant des Aulnes, le narrateur, est un metteur en scène de théâtre aux obsessions mythomanes. Son narcissisme lui fait porter sur son entourage artistique, et sur les femmes en particulier, un regard proprement odieux. Il cherche l’amour sans le désirer, il cherche à créer sans savoir par où commencer. Et il PENSE…

Un extrait

"Le 8 janvier, car le 6 janvier elle ne m’a pas donné signe de vie malgré l’accord qui avait été le nôtre au moment de son départ, je rends visite à mon étudiante. Sans doute a-t-elle été prise par ses révisions, car les partiels approchent et mon étudiante est une personne bien sérieuse malgré son jeune âge ; tout à fait une femme pour moi : avide d’apprendre – de ma bouche notamment – les mystères de la culture et le sens profond de l’existence, endurante à la tâche, discrète, polie et réservée. Consciente de ma supériorité et de la chance exceptionnelle qu’elle a eu de croiser mon chemin. Elle me rappelle vaguement une ancienne conquête, oh, j’étais encore un enfant, elle une toute jeune fille, elle avait été séduite malgré ma froideur, lors de ma première mise-en-scène au lycée de P. lorsque j’avais monté une intégrale Heiner Müller résumée en bilingue, un projet qui n’a malheureusement pas abouti, le public pas plus que les acteurs n’avaient compris ma volonté de mettre en scène Müller en considérant son œuvre comme une vaste expérience traumatique de l’unheimlich freudien. J’étais déjà si en avance sur mon temps à dix-neuf ans ; et c’est ce qui avait charmé la demoiselle en question, bien évidemment. Puis je l’avais dépucelée, ah ah, c’était le bon temps. Mon étudiante me rappelle donc cet amour juvénile. En moins séduisante, certes. Le doigt y est pour beaucoup, hélas. Mais en beaucoup plus intellectuelle, et ça ne gâte rien. Je n’ai pas à brider mon intelligence, lorsque je suis avec elle, je peux laisser libre cours à la finesse et à la spiritualité, disons-le, à l’humble expression du génie – on ne peut pas tout avoir dans un couple, sens et beauté, beauté ou sens, quoi qu’il en soit c’est beaucoup plus sain pour mon équilibre personnel."

L'édition